Nombreux et divers, les édulcorants font désormais partie de notre paysage alimentaire. Périodiquement, des questions, voire des polémiques resurgissent à leur propos. Lesquels dentre eux sont vraiment autorisés ? Connaît-on bien toutes leurs propriétés ? Sont-ils sans risque? Leurs effets sont-ils bien « surveillés» ? Que penser enfin des bruits qui ont couru sur laspartame, le plus célèbre des édulcorants ? Nutrinews a profité dune conférence récente de lInstitut français pour la nutrition pour faire le point avec D. Parent-Massin, professeur de toxicologie alimentaire à lUniversité de Bretagne Occidentale*.
Quest-ce quun édulcorant ?
« Un édulcorant est une substance possédant une saveur sucrée et qui est utilisée pour son action sucrante. Il y a plusieurs sortes dédulcorants : Les édulcorants nutritifs : leur pouvoir sucrant est légèrement inférieur ou égal à celui du sucre. Parmi eux, on distingue les « sucres» (comme le saccharose, le fructose, le glucose, lisoglucose, etc.), qui sont des denrées alimentaires, et les polyols ou sucres-alcool (comme le sorbitol, le xylitol, lisomalt, le maltilol, le mannitol et le lactitol), qui sont des additifs alimentaires. Les édulcorants intenses (non nutritifs) : leur pouvoir sucrant peut être très largement supérieur à celui du sucre. Compte tenu de leur haut pouvoir sucrant, ils ne présentent quune charge pondérale infime dans la denrée alimentaire. Ce sont également des additifs alimentaires. Dans le langage courant, lorsquon parle des édulcorants on désigne en fait des additifs »
Connaît-on les risques éventuels liés à la consommation dédulcorants ?
« Les édulcorants, comme tous les additifs alimentaires, font lobjet dune évaluation du risque pour le consommateur avant dobtenir une autorisation de mise sur le marché. Létape ultime de la caractérisation du danger est la détermination de la dose journalière admissible (ou DJA): cest la quantité quun individu peut consommer tous les jours de sa vie sans courir de risque pour sa santé. La DJA journalière est donnée en fonction du poids corporel (/kg /j) ».
Comment est réglementé lusage des édulcorants ?
« Les édulcorants sont régis par la directive européenne 94/35/CE. Cette réglementation repose sur le principe de la liste positive, cest-à-dire que toute molécule qui nest pas autorisée est interdite ».
Quels sont les édulcorants autorisés comme additifs alimentaires dans lUnion européenne et leurs risques éventuels ?
« Pour les polyols (Tableau 1), il ny a pas de dose journalière admissible spécifiée et ils ne présentent pas de risque toxicologique. Leur utilisation ne fait pas courir de risque aux consommateurs(1). Un risque imaginaire aux doses consommées
Les édulcorants intenses (Tableau 2) bénéficient tous dune DJA spécifiée, à lexception de la thaumatine. Ils font donc lobjet dautorisations, denrée alimentaire par denrée alimentaire. La dose demploi maximale est fixée pour chaque aliment. Tout cela conduit à penser quils ne présentent pas de risques toxicologiques pour lhomme. Cependant, linnocuité de certains dentre eux fait lobjet de certaines attaques dans les médias, et aussi de réévaluations par les agences de sécurité alimentaire. Laspartame est lédulcorant le plus concerné
»
On a parlé à propos de laspartame dun risque cancérigène
« Une étude publiée en 2005 a rouvert un débat, en suggérant que cet édulcorant puisse induire des lymphomes, des leucémies, des cancers de la vessie et des voies urinaires, des tumeurs malignes du système nerveux
Mais cette étude na pas été conduite selon les normes rigoureuses qui régissent les études toxicologiques. Elle est entachée de nombreux biais méthodologiques et dextrapolations abusives, qui rendent ses résultats peu crédibles. Elle a néanmoins été prise très au sérieux par lautorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA), qui a procédé à son analyse détaillée et a sollicité la contribution des agences nationales européennes comme, en France, lAgence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Au terme de cet examen, lEFSA a conclu en 2006 que létude ne peut être retenue et napporte pas de données significatives sur la toxicité de laspartame. LEFSA confirme dans cet avis que la DJA de laspartame est de 40 mg/kg/j ».
Que sait-on de la consommation daspartame en France ?
« LAFSSA a montré, en 2002, que cette consommation, en France, est très inférieure à la dose journalière admissible. Chez ladulte, elle se situe entre 0,05 et 0,4 mg/kg/j et les valeurs maximales vont de 1 à 2,75 mg/kg/j. Chez lenfant, la consommation daspartame est de 0,13 à 2,8 mg/kg/j aux valeurs maximales. Chez les enfants diabétiques, une étude française de 2001 montre que cette consommation est de 1,9 mg/kg/j en moyenne et de 15,6 mg/kg/j au maximum ».
(1) Note de la rédaction de parlonssante.com : « La consommation des édulcorants ne fait courir aucun risque aux consommateurs » qui ne sont pas phénylcétonuriques. L’aspartam est formellement interdit à toutes les personnes présentant cette déficience enzymatique. Lire notre article sur le sujet.
Tableau 1 – Le Pouvoir sucrant des polyols
E 420 Sorbitol 0,5-0,6
E 421 Mannitol 0,5-0,6
E 953 Isomalt 0,5-0,6
E 965 Maltitol 0,8-0,9
E 966 Lactitol 0,3-0,4
E 967 Xylitol 0,4-0,7
Le saccharose (le sucre) a un pouvoir sucrant de 1
n° 175 mars 2007
Reproduction autorisée. Mention Nutrinews ou Cerin obligatoire. 8
Tableau 2 – Les édulcorants intenses autorisés
dans lUnion Européenne
Edulcorant Pouvoir sucrant DJA mg/kg pc/j
E 950 Acésulfame K 200 15 (JECFA 1991)
9 (SCF 2000)
E 951 Aspartame 200 40
E 952 Acide cyclamique
et ses sels (Ca et Na)
35 7
E 954 Saccharine
et ses sels (Na, K et Ca)
300-500 2,5
E 957 Thaumatine 2 000-3 000 Non Spécifiée
E 959 Néohespéridine
Dihydrochalcone
1 000 5
E 955 Sucralose 400-600 15
E 962
– Sel Aspartame 40
– Acésulfame 15
Néotame 2 000 0,3 (FDA 2002)
0,6 (Afssa 2004)
2 (JECFA 2003)
En cours dévaluation par UE
Pour en savoir plus : Institut français pour la nutrition
Lettre scientifique 2007 n° 117 Tél : 01 45 00 92 50
Sources : Cerin