Interview du professeur Fabienne Rancé, pédiatre allergologue au CHU de Toulouse.
Docteur Fabienne Rancé, quels sont les principaux aliments allergisants ?
« Le lait les ufs et larachide. Ce sont des constantes dans le monde entier. Après par nation, par continent, il y a des particularités liées à la consommation de tel ou tel plat. En France, les noisettes et les kiwis arrivent en tête. En Asie, cest le poisson. En Polynésie française il ny a pas détudes épidémiologiques donc il est difficile de connaître les allergènes. Si lon se réfère au mode de vie des Polynésiens, je pense que ce sera les poissons et les crevettes.».
En Europe, il existe une réglementation stricte sur linformation aux consommateurs notamment sur les emballages des produits finis. Les fabricants doivent sy soumettre et mentionner la présence de lun des 12 allergènes les plus fréquents. En Polynésie française, cette réglementation ne sapplique pas, comment faire ?
« Cest difficile. Les produits importés viennent de divers continents tous nont pas les mêmes réglementations. Aux États-Unis par exemple la liste des allergènes en mentionne huit. En Asie, je ne crois pas que ce soit obligatoire, ici non plus».
Cest une difficulté supplémentaire pour les parents ?
« Oui sils donnent des plats transformés (cuisinés), lorsque lon a des doutes et que son enfant est allergique au lait de vache, aux ufs ou à larachide, il vaut mieux cuisiner ! Il ne faut pas avoir peur dalimenter son enfant. Il faut suivre ses allergies, faire des tests régulièrement pour vérifier sa tolérance»
Quelles recommandations faites-vous aux parents denfants allergiques ?
« Sont-ils certains que cest une allergie alimentaire ? Lorsque vous posez la question 25% des adultes interrogés déclarent être allergique, alors quen fait ils ne sont que 2% à être réellement intolérant à un aliment. Avant tout régime, il faut avoir la preuve. Lorsque vous lavez, il suffit dadapter lalimentation, mais surtout ne pas procéder à une éviction totale car elle favorise et même amplifie lintolérance à laliment. Pas de régime dexclusion à long terme ! Chez lenfant, les allergies alimentaires évoluent et même guérissent, un suivi médical et des tests réguliers sont suffisants. Dédramatisons les allergies alimentaires ! Méfiions-nous des allergies de contact. Par exemple, si vous avez un enfant allergique à larachide, lavez-vous les mains après avoir mangé des cacahuètes car lallergie de contact est sensible, idem avec le lait, les ufs et les autres aliments. ».
Quels sont les principaux symptômes ?
« Généralement des réactions cutanées, des eczémas, de lurticaire, mais aussi des oedèmes, des vomissements Chez ladulte, il peut y avoir des allergies croisées, respiratoires, alimentaires. Par exemple, des allergies à leffort associé avec des aliments, cest complexe car les allergies sont multifactorielles. La seule certitude il y a des prédispositions génétiques. La priorité est le test».
On peut se désensibiliser aux pollens, aux acariens, mais pas encore aux allergies alimentaires pourquoi ?
« Nous menons de recherches. Mais il faut des moyens, aux Etats Unis il existe une importante association de parents qui financent la recherche. En Europe, je collabore avec des confrères Suisses, Espagnols, Italiens, Anglais à des recherches, mais cest compliqué et pour linstant nous ne sommes pas encore pleinement satisfaits du résultat. »
Fabienne Rancé est pédiatre allergologue et membre dun groupe de pédiatres européens milite pour le dépistage précoce des allergies alimentaires chez lenfant. « On assiste à une explosion des allergies alimentaires dans le monde entier, cette situation est multifactorielle (génétique, environnementale), toutefois elle peut sexpliquer en partie par la consommation plus fréquente de produits transformés et fabriqués à partir de protéines modifiées (plats cuisinés».