A partir de 2 ans l’enfant a tendance à refuser toute nouveauté alimentaire c’est la néophobie en se fixant uniquement sur l’apparence… Dommage car en l’occurence, il se priverait de succulents fruits de la passion…
« Jen veux pas, jaime pas ça… » « Mais goûte au moins!» Sujet de recherches depuis des années, dinquiétude pour les parents qui découvrent ce comportement chez leur «bout de chou», la néophobie alimentaire se traduit par le refus de ce qui est nouveau dans lassiette. Entre 2 et 10 ans, près des trois quarts des enfants vont observer, trier, voire recracher les aliments «nouveaux». Une source de conflits et une expérience parfois difficile pour certains parents.
Faut-il pour autant baisser les bras? Surtout pas, affirme Natalie Rigal, enseignant-chercheur en psychologie du goût à lUniversité de Paris -X et spécialiste de la construction du goût chez lenfant. Nutrinews a recueilli «ses recettes» pour passer cette période tout en douceur… Sortis du poulet/frites ou du jambon/purée ou coquillettes, les enfants ont tendance à refuser ce qui ne figure pas sur le podium de leurs préférences alimentaires. A la naissance, le « petit omnivore » distingue déjà les différentes saveurs : le sucré, le salé, lamer… Il différencie le lait de sa mère de celui du biberon et, au fil des mois, il va mettre ses papilles en éveil.
Vers lâge de 2-3 ans, il devient plus sélectif et difficile sur le contenu de son assiette, jusquà devenir vers 4 ans un « petit dictateur » : les trois quarts des enfants de 2 à 10 ans refusent tout aliment inconnu… Il sagit de la néophobie alimentaire. Si le phénomène est banal et universel, il reste, pour certains parents, une véritable source dinquiétude. Et souvent, ils ne savent plus comment faire. Résultat: il nest pas rare davoir deux repas à table, celui des parents et celui des enfants.
Lenfant, libre consommateur ?
Il mange ce quil aime et rejette ce quil juge déplaisant en bouche. Natalie Rigal est formelle : « atténuer cette néophobie alimentaire est nécessaire », car ce qui est important, cest de privilégier la variété. « Lenfant na pas les moyens de faire des choix alimentaires qui respectent les règles de léquilibre nutritionnel. En effet, la liberté laissée à lenfant de décider de ce quil veut manger, cest au quotidien, toujours et encore, frites, glaces ou autres pizzas, les aliments quils « adorent ». Ces aliments ne sont certes pas à proscrire, mais il faut aussi proposer des fruits et des légumes qui, on le sait, ne sont pas les favoris des enfants. Les produits préférés des enfants sont aussi souvent très « nourrissants », gras et riches en sucres. Ils présentent de plus une flaveur peu développée et une texture généralement molle : bonbons, pâtisseries, glaces, frites, pâtes, pizza, poulet… faciles à consommer. Autant de produits dont la consommation exclusive et excessive peut engendrer un excès de poids. Et ce dautant plus que lenfant ne mange que ses aliments préférés et ne pratique pas une activité physique régulière. Léducation sensorielle au goût est alors essentielle. Elle doit débuter tôt. Manger est un plaisir qui se cultive et qui construit lidentité ».
Découvrir le goût en samusant…
Eduquer au goût pour éduquer à lalimentation : des enjeux « de taille ». Comme le rappelle Natalie Rigal, «lhomme est par nature omnivore et a donc pour obligation de diversifier son alimentation. Léducation au goût est aussi une éducation alimentaire et ce, dautant que « grandir cest apprendre, apprendre aussi à goûter », « manger est une jouissance qui sentretient et qui nous construit en tant quêtre social ». En effet, manger cest, certes, se nourrir, mais cest aussi: sinscrire dans un cadre social et affectif à loccasion des repas (à table, à la maison, à la cantine) ; partager (repas familiaux, goûters danniversaire) ;
prendre du plaisir ;
structurer le temps et rythmer la journée par les temps forts que sont les repas ;
découvrir le monde et apprendre à affirmer peu à peu ses préférences alimentaires;
prendre soin de soi, de son corps et de son esprit.
Dans ce contexte, il est important que le goût prenne place dans léducation alimentaire, que le sensoriel sallie au nutritionnel pour que lenfant apprenne le plaisir de manger tel ou tel aliment parce quil est bon et non parce quil le faut. Lenfant ne doit pas choisir seul ses aliments préférés et les parents doivent pouvoir dire : voilà ce que nous mangeons et nous allons prendre plaisir à en manger ensemble.
Atténuer la néophobie alimentaire, des recettes ?
Pour Natalie Rigal, il ny a pas vraiment de recettes pour atténuer la néophobie alimentaire, mais plutôt quelques valeurs sûres :
– Forcer les enfants est inutile et inefficace, ça ne «marche pas. » De plus, la satiété sensorielle pousse lenfant à vouloir manger un autre aliment après seulement quelques bouchées.
La flaveur de laliment ayant disparu, lenfant a encore faim, mais veut manger autre chose, cest normal.
– Montrer à lenfant que laliment est bon, que les adultes prennent plaisir à le manger va influencer le petit à goûter. Les parents restent un modèle de référence susceptible de moduler les goûts de leurs enfants. Comment exiger deux quils mangent des légumes verts si papa ou maman nen mange pas ?
– Des mots à la bouche: mettre des mots sur les aliments permet à lenfant de savoir à lavance ce quil vavivre comme expérience: rappeler la recette, évoquer la texture, la couleur, les souvenirs… Raconter des histoires sur les aliments, lire un livre (voir encadré), partager, échanger avec des mots sur le goût est important. Ce que tout parent fait pour lapprentissage des couleurs (cest quelle couleur ça?), il pourrait le faire pour faire découvrir les saveurs.
– Proposer à lenfant de mettre la main à la pâte est aussi une méthode dautant que la plupart des enfants adorent faire la cuisine! Il goûtera plus facilement un aliment quil a cuisiné… à quatre mains. Ça ne marche pas tout de suite? «On ne perd pas patience et on ne démissionne pas; un enfant peut dire non les premières fois puis changer davis et apprécier après y avoir goûté plusieurs fois», dit Natalie Rigal. Aimiez-vous les épinards et la salade verte quand vous étiez petit(e)? Pourtant, vous avez fini par goûter… Et apprécier!
Sources Nutrinews