A un mois de la journée mondiale du diabète organisée le 14 novembre prochain, la discrimination à lembauche des diabétiques est une réalité dénoncée par lassociation française des diabétiques. Sanctionnés par le code du travail, les refus dembauche motivés par la santé du candidat sont théoriquement interdits par la loi. Pourtant, des diabétiques sont victimes de telles discriminations. Et, lorsque cest le cas mieux vaut disposer, dune association, dun bon avocat et dune équipe de télévision. Voici le récit signé par lassociation française des diabétiques de la mésaventure dune infirmière : Sylvie Guichon, 41 ans, est diabétique depuis 1980 et infirmière depuis 1986.
Son diabète ne lui a posé aucune difficulté, ni lorsquelle est entrée à lécole dinfirmière, ni lorsquelle sest spécialisée en puériculture, ni dans aucun des hôpitaux où elle a été successivement employée pendant près de 20 ans. En septembre 2005, suite à une mutation de son mari, Sylvie arrive en région Auvergne et se présente pour un poste hôspitalier. « Je vis avec mon diabète et je nai je devrais dire je navais aucune appréhension à en parler. Jen ai donc fait état lors de mon entretien dembauche ». Apparemment, le fait quelle soit diabétique nest pas du tout un problème. Simplement, avant de pouvoir commencer à travailler, Sylvie doit, comme il se doit, passer une visite médicale. Elle sy présente donc. «Dans la salle dattente, on me dit que la médecine du travail recale les diabétiques dans la région en général. Je prends ça pour des ragots ».
Malheureusement, Sylvie se trompe. Une dizaine de jours plus tard, elle est avisée quelle ne peut ni travailler de nuit, ni en poste soir-matin… Bref que, vu ces réserves, lhôpital ne peut lembaucher. « Cétait aberrant. Je ne lai pas accepté ». Sylvie se tourne vers son diabétologue, lequel, après avoir essayé en vain de contacter le médecin du travail, lui conseille de saisir linspection du travail. Un médecin inspecteur régional intervient, mène lenquête et, en décembre 2005, rend son rapport. La décision du médecin du travail ne tient pas debout.
Linspecteur du travail décide donc dannuler lavis du médecin du travail. «Daccord », répond lhôpital. Nous pouvons embaucher Mme Guichon, à la condition quune nouvelle visite médicale soit favorable. Et Sylvie se représente devant le même médecin du travail. Celui-ci, lui dit quelle constitue un danger, quelle risque de faire tomber des bébés et renouvelle son premier avis. Sylvie ressaisit linspection du travail qui, cette fois annule non seulement lavis du médecin du travail, mais également les réserves émises. Silence radio de lhôpital. « Impossible dentrer en contact avec la DRH. Il y a un barrage total. Jai fait alors appel à lAFD qui ma proposé les services dune avocate spécialisée, maître Papasian, et a pris les frais en charge ». Celle-ci relance lhôpital qui finit par… déposer un recours contre linspection du travail devant le tribunal administratif, au motif quelle nest pas la bonne instance de décision. Ce nest pas elle, mais le Comité Médical qui aurait dû se prononcer.
Le tribunal administratif est en cours de décision.
Conseillée par Maître Papasian, Sylvie décide en juin de se présenter devant le Comité Médical qui lui demande de consulter un médecin expert. Celui-ci tranche en faveur de Sylvie et, en septembre, le Comité Médical avise lhôpital que Mme Guichon est apte à prendre ses fonctions. « À ce moment-là, une émission avec FR3 était en préparation suite à la demande dune journaliste à lAFD ». La journaliste souhaite interviewer le médecin. Or, celui-ci, travaille à lhôpital et doit demander à sa direction, lautorisation de témoigner. Il le fait. « Moins dune demi-heure plus tard, la DRH mappelle : nous avons besoin dinfirmières. Vous avez besoin de travailler. Je vous embauche ».
KAFKA AU BAL DES FAUX CULS Aucun rapport, bien sûr, avec le reportage télé en vue. Non, non. Quallez-vous chercher là ? Si après navoir jamais répondu à Sylvie Guichon au téléphone, la DRH lui donne maintenant sa ligne directe, cest également un hasard. Quant à la visite médicale à laquelle Sylvie doit toujours se soumettre, cest aussi une coïncidence quelle ne soit plus quune formalité. Sylvie en sort avec un avis daptitude sans restriction, signé par le médecin qui lavait précédemment recalée par deux fois. Bref, si le 25 septembre dernier, Sylvie a enfin pu prendre son service à lhôpital de Clermont-Ferrand, cest entièrement grâce à lopération du Saint Esprit. Ne reste plus quà espérer que toutes les victimes de discrimination dans leur emploi puissent bénéficier dun tel miracle cathodique. Toute la difficulté pour nous est de prouver quil y a discrimination « Si lon rencontre aujourdhui un peu moins de cas dans le privé, ceux-ci demeurent toujours fréquents dans le public », témoigne maître Papasian. « Mon seul cabinet intervient sur cinq cas différents, dont 3 infirmières. Tous ont déjà exercé leurs fonctions antérieurement, tous sont confrontés à des décisions défavorables de la médecine du travail. Théoriquement, il est interdit de licencier ou de refuser dembaucher une personne à cause de son diabète, sauf si une inaptitude est prononcée par la médecine du travail. Cest là-dessus que sappuient les employeurs. Toute la difficulté pour nous est de prouver quil y a discrimination. En tant que juristes, nous incitons les diabétiques à ne pas se lancer inconsidérément dans les prudhommes ou le tribunal administratif. Si, effectivement, le licenciement na pas été fait dans les règles, nous attaquons et nous obtenons des dommages et intérêts. En fait, le gros problème est le manque dinformation concernant la maladie. Embaucher un diabétique peut effrayer un employeur. Travailler avec quelquun qui fait une crise dhypoglycémie peut faire peur… De fait, je conseillerais à un salarié qui gère bien sa maladie, de ne pas parler de son diabète à son employeur. Cest une affaire privée. Reste que cela nest pas sans risque, le jour où lon se fait surprendre par son diabète ».
Rédaction : Renaud Alberny, Coordination Eva Pulcinelli.
La protection juridique de lAFD
Une juriste informe, conseille, oriente les patients diabétiques lors de permanences téléphoniques sur des questions de droit du travail, droit des assurances, permis de conduire, droit médical…Elle peut régler certains litiges de façon amiable. Pour certains dossiers liés à létat diabétique et fondés en droit, la Commission juridique de lAFD détermine si nous pouvons aller plus loin et prendre en charge financièrement les honoraires de lavocat.
Allo diabète : 01 40 09 68 09