1000 patients atteints de COVID-19 et tous les grands acteurs de la recherche française sur la thrombose répartis sur 24 centres en France participent à un essai clinique de grande ampleur. Baptisée COVI-DOSE, cette étude évalue la tolérance et l’efficacité des traitements anticoagulants dans le cadre de la prise en charge des patients hospitalisés. Objectif : adapter le traitement afin de les protéger des risques de phlébite et d’embolie pulmonaire liés à l’infection.

Cet essai clinique a débuté en 2020, il est réalisé en commun par les réseaux de recherche F-CRIN sur la thrombose INNOVTE et les complications cardio-rénales INI-CRCT. Il s’agit d’une des plus grandes études mondiales réalisées aussi rapidement et sur une si grande échelle, avec l’objectif de travailler tous ensemble pour une recherche clinique ultraperformante à un très haut niveau.
C’est la première fois que l’on réussit à mobiliser tous les grands acteurs de la recherche française sur la thrombose (chefs de projet, méthodologistes, médecins hospitaliers, infirmières de recherche clinique..), de faire autant de centre contributeurs et inclure 1000 patients majeurs dans toute la France, en un temps record !
Les résultats de COVI-DOSE sont attendus pour la fin de l’année, ils auront un impact direct sur la prise en charge des patients à l’échelon national et international et témoigneront de l’excellence de la recherche clinique française. Ils intéressent vivement l’Organisation Mondiale de la Santé qui a proposé d’utiliser sa base de données unique.

Pr S. Zuily du service de médecine vasculaire du CHRU de Nancy à l’initiative de cette étude :
Outre les facteurs de risques classiques (hérédité, prise d’une pilule contraceptive, suites d’une immobilisation ou d’une intervention chirurgicale), la crise sanitaire a mis en évidence un risque inhabituellement élevé de thromboses des veines et d’embolies pulmonaires chez les patients hospitalisés pour une COVID-19, en particulier chez les malades de soins intensifs et ce malgré un traitement anticoagulant à dose habituelle. Compte tenu du nombre grandissant de patients COVID dans ce cas, la question était de savoir si, en augmentant les doses de traitement anticoagulant, on pouvait réduire le risque de thrombose sans d’augmenter de manière déraisonnée le risque de saignement. Nous devions donc réaliser une étude en urgence.

« J’ai fait appel aux réseaux de recherche « F-CRIN » sur la thrombose INNOVTE et sur les complications cardio-rénales INI-CRCT pour faire en sorte de mobiliser rapidement les troupes non seulement au CHRU de Nancy, mais aussi partout en France et c’est là que l’essai Covi-Dose est né ».

50 à 150 000 morts par an en France d’une thrombose veineuse ou d’une embolie pulmonaire
L’infection COVID-19 s’accompagne d’un sur-risque thrombotique veineux, artériel et microvasculaire. La prévention du risque thromboembolique veineux et la surveillance de l’hémostase (arrêt des saignements) est un enjeu national et international. Outre son intérêt pour l’épidémie actuelle et les malades actuellement hospitalisés pour COVID, ces travaux vont contribuer à faire avancer la recherche médicale dans la prévention de la Maladie Veineuse Thrombo Embolique (MVTE). Une pathologie qui touche 50 000 à 150 000 patients en France et est responsable de 5 000 à 10 000 décès chaque année. Cette maladie regroupe les thromboses veineuses superficielles ou profonde (phlébite/ caillots de sang dans une veine le plus souvent au niveau des jambes) et l’embolie pulmonaire (migration de ces caillots dans les poumons). C’est la troisième cause cardiovasculaire de décès en Europe, et l’une des premières causes de décès des moins de 45 ans en France.
Question à Francis COUTURAUD, Service de Pneumologie, CHU de Brest
Quelles sont les avancées de la recherche française sur la thrombose ?
« Nous avons actuellement plus de 15 essais cliniques en cours et avons mis en place des protocoles phares pour des milliers de patients. Nous sommes par exemple les seuls au monde à travailler sur la personnalisation et l’optimisation des doses de traitement anticoagulant chez les patients à très haut risque de récidive de thrombose : patients avec thromboses inexpliquées (essai « RENOVE »), patients avec cancer (essai « APICAT »), insuffisants rénaux (essai « VERDICT »), chirurgie bariatrique (essai de phase I « ABSORB»). Avec les équipes hollandaises, nous avons validé le premier algorithme de diagnostic de l’embolie pulmonaire chez la femme enceinte (essai ARTEMIS) ; et notre réseau a participé activement à un essai international sur l’anticoagulation préventive optimale chez la femme enceinte à haut risque de thrombose (essai HIGHLOW) ».
« Dans le cadre de l’étude des patients à profils particuliers, nous avons aussi montré que les patients atteints d’exacerbation de maladies bronchiques chroniques étaient à très haut risque d’embolie pulmonaire et qu’une recherche systématique de l’embolie pulmonaire était indiquée dans ce contexte (essai « PEP »). Enfin, nous avons publié la plus grande étude de validation des outils permettant de traiter certains patients atteints d’embolie pulmonaire en ambulatoire (essai «HOME-PE»), ce qui représente une transformation profonde des pratiques cliniques. Tous ces programmes de recherche clinique conduisent directement à un changement des pratiques, des recommandations internationales et à une amélioration majeure du pronostic des patients atteints de maladie veineuse thrombo-embolique ».