Le recours systématique et régulier à la mammographie de dépistage est la stratégie recommandée par lOrganisation mondiale de la Santé pour augmenter les chances de guérison et l’espérance de vie des femmes touchées par le cancer du sein. En Polynésie, 80 à 90 cancers du sein sont détectés chez des femmes. Leur chance de conserver leur sein et de guérir dépend essentiellement du traitement précoce de leur maladie et donc du dépistage.
Cest le cas de Patricia Grand, la présidente du comité polynésien de La Ligue contre le cancer. Le « crabe » a bouleversé la vie de cette mère en emportant lune de ses filles. Hina avait 23 ans quand elle a succombé à un cancer de la gorge. Une erreur de diagnostic a permis à la tumeur de gagner du terrain. Lorsque le mal a enfin été détecté, cétait trop tard, la jeune femme est décédée après des jours de souffrance. Une tragédie. Un séisme. Peu à peu, la mère a retrouvé des forces et sest relevée pour ses autres filles. La vie a repris, mais pas comme avant. Douze ans après ce drame, la photo de Hina trône dans le bureau de Patricia. Près delle, une autre photo, une amie elle aussi emportée par un cancer.
À partir de cet instant, Patricia a su que le cancer ferait à jamais partie de sa vie. Mais, elle ne se doutait pas que cette perverse maladie, après lui avoir déchiré le cur en la privant dune enfant, allait la toucher dans sa chair, quelques années plus tard. Après le décès de ma fille, je vivais beaucoup pour la Ligue et, cest vrai, jai moi-même zappé le dépistage systématique, cétait en 2007. Lorsque jy suis allée, javais huit mois de retard. Cest mon gynécologue, en examinant la mammographie, qui ma rappelée pour une échographie et une biopsie, cétait cancéreux. La tumeur faisait 17-19 millimètres, cétait limite pour la chimiothérapie. Jai eu une tumorectomie. Évacuations sanitaires, radiothérapie en métropole, hormonothérapie. Ça fait quatre ans, ça va pour le moment. Jaurais dû men douter, on mavait dit quà la ménopause, les femmes qui prennent du poids doivent se surveiller, car avec les hormones, il peut y avoir des surprises. Et puis, il y a laspect psychologique, le choc du décès de ma fille. À lannonce du diagnostic, Patricia reconnaît quelle sy attendait presque.
Aujourdhui, elle milite toujours aux côtés des malades et de leurs proches.On se comprend car on a traversé les mêmes épreuves. Naturellement, les proches ont tendance à surprotéger les malades, (jai vécu cela avec ma fille), alors queux ont envie de se sentir vivants jusquau bout. Je lai vécu personnellement, alors oui cest dur pour lentourage qui sinquiète, mais il faut laisser de lair, ne pas surprotéger.
Avec le comité quelle dirige, Patricia accompagne les malades dans leur parcours de soins : Oui, on perd ses cheveux avec la chimio. Et alors, ça repousse ! On peut aussi être féminine avec des turbans de couleur. Oui, on peut être malade et coquette, revendique Patricia.
Personnellement, je ne voulais pas voir mes cheveux tomber alors je les ai coupés avant. Cest vrai que la chimio donne des nausées, une perte dappétit et une grande fatigue, il ne faut pas le cacher. Après lablation de la tumeur Patricia a eu un curage des ganglions, cest douloureux. Imaginez des milliers daiguilles qui piquent en même temps. Pour la radiothérapie, jutilisais des produits chinois à base daloé vera pour adoucir les brûlures. Je crois quil est primordial de continuer à vivre, à sortir, à faire du sport. Je voulais voir grandir mes petits-enfants. Cest vrai que la volonté, le mental sont importants, mais ça ne suffit pas toujours.
Quatre ans après son cancer, Patricia ne vit pas avec la crainte de la récidive. Toutefois, elle ne parle pas de guérison, mais de rémission. Ça peut revenir, je le sais, confie-t-elle. Aujourdhui, Patricia se définit comme une survivante.
Oui, elle reconnaît se sentir un peu en sursis désormais On relativise plus? On apprécie de prendre le temps de faire les choses, on va plus à lessentiel. À chaque mammographie de contrôle, elle se dit : Cest encore bon pour quelques années, jespère que je vais tenir encore une dizaine dannées au moins, mais on nen sait rien. Lorsquon lui demande si elle va bien, elle répond simplement : Oui, pour le moment.