Le grand Pacifique est actuellement frappé par une épidémie de dengue de type 4. Cette épidémie touche de nombreux pays parmi lesquels les îles Samoa, Fidji ou Cook et plus récemment la Nouvelle Calédonie. Au total, cest probablement 3 000 personnes qui ont été touchées par ce virus dans la Région Pacifique depuis début 2008, dont une dizaine denfants sont décédés (surtout à Kiribati). Aujourd’hui, c’est au tour de la Polynésie française d’être placée en alerte sanitaire suite à la détection de deux cas avérés du virus de la dengue de type 4. Ces personnes revenaient d’un séjour sur le caillou où 110 cas ont été recensés en deux mois. Le ministre de la santé de Tahiti a organisé lundi 19 janvier 2009 une conférence de presse afin de prévenir la population de la conduite à tenir et notamment la prévention de la prolifération des moustiques. Une épidémie massive ne manquerait pas de pénaliser tout ce territoire déjà bien malmené par la crise économique mondiale et en particulier la chute vertigineuse de la fréquentation touristique, l’une des principales sources de revenus du pays.
Depuis sept ans, seul le sérotype 1 était présent en Polynésie française. La population était donc majoritairement immunisée (NDLR : une fois que lon a contracté un sérotype de dengue en loccurrence le « 1 », lorganisme a développé des anti-corps pour lutter contre ce virus). Les nouveaux arrivants sur le territoire et les enfants de moins de sept ans étant les plus exposés au virus.
Larrivée du sérotique 4 en Polynésie française est extrêmement inquiétant, non pas quil soit plus dangereux que le 1, mais absent du territoire depuis plus de 30 ans, il risque fort de contaminer tous ceux qui sont nés avant 1978 et les nouveaux arrivants non immunisés, on estime à 150 000 le nombre de victimes potentielle du virus (sur 270 000 habitants, cela ne sera pas sans conséquences économiques).
Les épidémiologistes du grand pacifique sont extrêmement vigilants quant à lintroduction de nouveau virus. Le renouvellement de la population lié notamment aux vacances scolaires et aux mutations de fonctionnaires augmentent le risque de lintroduction de nouveaux virus (pas uniquement de la dengue, de la Chikungunya aussi !). Le corps médical craignait cette introduction de nouveaux sérotypes comme les 2, 3 ou 4 pour lesquels la population nest pas immunisée. Les conditions sont aujourdhui favorables à une flambée épidémique avec larrivée de ce sérotype 4, car il est absent du territoire depuis plus de 30 ans, ce qui signifie que tous les moins de 30 ans peuvent être infectés, tout comme les nouveaux arrivants. Les fortes pluies de ces derniers jours vont favoriser la prolifération des moustiques et seule une prise de conscience collective de la menace et la mise en place dune lutte quotidienne acharnée contre les gîtes larvaires (eaux stagnantes) permettra de sen prévenir.
En Asie du sud, les quatre sérotypes sont en circulation, les voyageurs qui y séjournent doivent être vigilants, la période dincubation est de dix jours. La détection en novembre dernier de cas de dengue 4 en Nouvelle-Calédonie faisait craindre le pire aux médecins du fenua. Aujourdhui le risque est réel. Il ne faut jamais baisser les bras dans la lutte anti-vectorielle (contre les moustiques vecteurs). On la vu à la Réunion, léradication du paludisme sur le territoire a incité les populations et les autorités à abandonner la lutte contre le moustique et, quand le virus Chikungunya a fait son apparition les moustiques vecteurs étaient là !
Vous êtes fébrile ?
Fatigué, courbaturé, nauséeux ? Votre thermomètre bat des records, frôlant les 40 ? Surtout ne prenez ni anti-inflammatoire, ni aspirine, car ces médicaments ont tendance à accélérer le flux sanguin et si vous avez contracté une dengue hémorragique les conséquences pourraient être dramatiques. Consultez votre médecin de famille sans perdre de temps. Le virus est présent dans le sang durant les trois jours qui suivent lincubation, lanalyse de sang démontrera ou infirmera la présence du virus de la dengue. Passé ce délai, il faudra attendre pour effectuer la prise de sang que lorganisme fabrique les anti-corps, généralement cela prend une semaine. La présence danti-corps (une réaction de défense de lorganisme à une attaque) permettra lidentification du virus.
Pas une dengue, mais des dengues
Il existe quatre types de virus (ou sérotypes) (DEN-1, DEN-2, DEN-3 et DEN-4) mais aussi des génotypes pour chaque sérotype. Lorsquun individu est infecté par lun de ces virus, son organisme développe des anticorps protecteurs contre ce virus et uniquement contre ce virus. Cette personne reste donc sensible aux trois autres types viraux. Tous peuvent causer la dengue hémorragique. Difficile de dire si tel ou tel sérotype est plus « dangereux », certains scientifiques pensent que la dose virale saccumule (plus on est piqué plus on peut craindre une forme hémorragique), les paramètres environnementaux et génétiques ont une influence, le type de moustique vecteur compte aussi, cest dire toute la complexité de cette pathologie multifactorielle.
20 000 décès par an dans le monde !
Létat de fatigue des victimes des membres de la famille Aedes, le moustique vecteur du virus, est tel quune fois la maladie déclarée, le malade est cloué au lit. Tout déplacement devient pénible. Parfois, des éruptions cutanées accompagnées ou non de démangeaisons apparaissent sur le corps des malades. Des états de dépression nerveuse plusieurs semaines après les premiers symptômes ont même été remarqués. Chaque année dans le monde, 100 millions de personnes sont atteintes par le virus de la dengue véhiculé par un tout petit moustique de la famille des Aedes (Aegypti, polynesiensis,) 500.000 doivent être hospitalisés et 20.000 décéderont. Car si la dengue est à 99% bénigne, dans 1% des cas elle est hémorragique et menace le pronostic vital du malade. La vigilance est de mise si le malade constate lapparition dhématomes soudains, de saignements au niveau des gencives et de douleurs abdominales. Si lévolution est le plus souvent favorable, chez certains patients (en particulier les enfants de moins de 15 ans) un état de choc peut survenir avec des dèmes, une fuite plasmatique, une défaillance de la circulation sanguine, des pertes de conscience. Cette dengue hémorragique avec syndrome de choc (ou DSC) est extrêmement grave. Lissue peut en être fatale. En conséquence, la prise en charge par un service de réanimation simpose.
La recherche médicale
Il nexiste pas encore de vaccin contre la dengue. Des recherches sont en cours dont la difficulté tient à la présence de quatre sérotypes. Des progrès encourageants ont été obtenus dans la mise au point dun vaccin tétravalent par les chercheurs de lUniversité de Mahidol à Bangkok, en Thaïlande. Celui-ci doit être soumis à des tests cliniques. La date de mise sur le marché reste donc incertaine. Dautres travaux sorientent vers la biotechnologie et le génie génétique. De nombreuses équipes internationales mènent en parallèle dautres recherches. Lensemble de ces études contribuent à une meilleure connaissance de la maladie et favorisent le développement de moyens de prévention et de lutte.