Solange Besson est diététicienne depuis 15 ans en milieu hospitalier. Depuis une petite dizaine dannées, le nombre denfants en surpoids est en progression (1 jeune sur 7). Fait encore plus alarmant, des enfants déclarent des diabètes de type 2. Cest très inquiétant car ce sont généralement des pathologies dadultes à la cinquantaine.
Campagne de communication, plan national de nutrition, projet de loi… Les pouvoirs publics semblent prendre conscience de la gravité de la situation, selon vous, nest-il pas déjà trop tard ?
Solange Besson : «Il nest jamais trop tard pour bien faire. Toutefois, sans prise de conscience des populations, rien ne se fera. Regardez aux Etats-Unis, au lieu déviter de manger des hamburgers, les consommateurs font des procès à McDo. Les bases dune alimentation équilibrée, cela sapprend tous les jours en famille. Pour savoir si un enfant aime ou naime pas un aliment, il faut le lui faire goûter sept fois ! Intégrer des légumes à lalimentation peut devenir un jeu, en variant les couleurs, les formes et les cuissons.»
Comment détermine-t-on lobésité dun enfant ?
S.B. : « Chez lenfant, nous utilisons des indicateurs et une réglette pour définir lindice de masse corporelle. Quand on reçoit un enfant en consultation, on examine son ossature, sa silhouette, sa courbe de poids depuis sa naissance (la prise de poids est-elle progressive ou soudaine ?) et, si le facteur génétique peut être écarté, on va chercher dautres causes. Un choc émotionnel peut influencer le comportement alimentaire de lenfant. Nous ne parlons jamais de régime, mais déquilibre alimentaire. Généralement, il suffit de supprimer le grignotage, de réduire au maximum la consommation de sodas (et de boissons lactées sucrées très à la mode) et dinciter les enfants à pratiquer une activité sportive pour quils perdent des kilos ou quils se stabilisent. Lenfant va grandir et la balance va se rééquilibrer naturellement. Il faut aussi réduire le temps de télévision journalier. Une étude a montré quavec le même apport calorique, et pour une même durée, les enfants qui pratiquent une activité, même manuelle (coloriage…), éliminent plus de calories quun jeune vissé sur son canapé et qui ingurgite des informations.»
Quelles sont les clefs de cet équilibre alimentaire ?
S.B. : «Il faut être prudent et ne pas tomber dans la privation, synonyme de frustration. Par exemple, si celui-ci a lhabitude de boire 1,5 l de Coca par jour, on va réduire à un verre. Un goûter, ce nest pas un paquet de biscuits ! Sil refuse de manger à table, ne rien lui donner dautre. Les pâtes peuvent être consommées, mais sans ajouter : beurre + crème + gruyère… Parce que là cest trop ! »
On remarque depuis peu lapparition de diabète de type 2 chez lenfant, quen pensez-vous ?
S.B. : «Cest très grave. Depuis environ trois ans, on rencontre des enfants avec des diabètes de type 2. Cest un vrai signal dalarme, car il sagit dun diabète dû au vieillissement prématuré du pancréas. Cest un diabète qui se déclare généralement à la cinquantaine ! Le régime hypocalorique est de mise, il faut contrôler lapport en glucides. On structure de façon drastique lalimentation. Il ny a pas forcément de traitement médical.»
Si vous étiez ministre de la Santé, quelles mesures prendriez-vous ?
S.B. : «Je minspirerais du modèle anglais, avec du sport chaque après-midi. En France, les activités ont lieu généralement le mercredi. Les parents travaillent et ils ne peuvent pas conduire leurs enfants dans les clubs. Cest à lécole de remplir ce rôle de donner envier aux enfants de pratiquer une activité sportive. La suppression des distributeurs de confiseries dans les écoles est déjà une bonne chose. Dans les cantines scolaires, il y a beaucoup à faire…»
Supprimeriez-vous la collation en maternelle ?
S.B. : «Cest difficile à dire. Je pense quelle peut être différente. A une autre heure que 10h30 déjà, car cest trop rapproché de lheure du déjeuner. Il faudrait éviter les gâteaux et préférer les fruits.»
Les prix de vente des produits frais et, en particulier des fruits et légumes, ne privent-ils pas les consommateurs les plus modestes de cette alimentation équilibrée?
S.B. : «Cest vrai que les biscuits, sodas, sauces et yaourts aromatisés sont moins chers. Je crois que les parents culpabilisent de travailler et dêtre peu présents dans le foyer. Alors, pour compenser, ils cèdent à leurs enfants et ce sont eux qui choisissent le menu. Evidemment, cela se termine par des pizzas, des frites, etc. Réchauffer des haricots verts en conserve ou faire cuire des pâtes cest aussi rapide. Remplacer le ketchup sucré par de la vraie sauce tomate, cest mieux. Les consommateurs ont le choix entre le frais, les conserves et les surgelés.»
Pensez-vous que lon va réussir à endiguer la progression de lobésité en France?
S.B. : «Je ne suis pas très optimiste. Faute de résultats probants, je crains que lon tombe, à moyen terme, dans linterdiction. Il faut responsabiliser et éduquer la population. Il faut une prise de conscience collective, sinon…»
